A l’intention du Secrétaire d’Etat en charge des transports, de la mer et de la pêche
Contexte d’une décision ministérielle attendue sur la Priorité 2 du projet LN PCA
Notre Association soutient depuis 15 ans la réalisation d’une seconde infrastructure ferroviaire moderne, rapide et efficace pour desservir la région Provence Alpes Côte d’Azur.
Le rapport de la Commission Mobilité 21 concernant la hiérarchisation des projets prévus au SNIT et plusieurs visites à Marseille de votre prédécesseur ont permis à votre Ministère de constater que la réalisation de la deuxième infrastructure ferroviaire entre Marseille et Nice était une nécessité indispensable pour que notre région Provence Alpes Côte d’Azur puisse se projeter dans l’avenir et dans le cadre d’un véritable développement durable. Les problèmes financiers actuels ont amené à étaler dans le temps la réalisation de ce projet. Votre Ministère a retenu dans une « Priorité 1 » la réalisation avant 2030 des deux extrémités du projet (Nice-Mougins (au nord de Cannes) et Marseille-Aubagne) :
- qui permettront une nette amélioration des trains du quotidien (réseau TER), hautement souhaitable compte tenu de la saturation actuelle du système ferroviaire régional dans les deux nœuds marseillais et azuréen,
- mais n’apporteront que très peu d’améliorations pour les autres circulations.
Dans un premier temps, fin 2013, une consultation des élus et du public a eu lieu sur les deux sections de la « Priorité 1 » pour déterminer la Zone Préférentielle de Passage (ZPP). SNCF Réseau vous a présenté un dossier à partir duquel vous avez donné votre accord pour les études de la phase 2. Vous avez même souhaité que la DUP puisse être prononcée en 2017 et que les études de la « Priorité 1 » puissent être complétées par celles de la « Priorité 2 » pour éviter toutes erreurs entre les deux priorités. Cela nécessitait qu’une consultation des élus et du public soit conduite sur ces zones, cette consultation s’est achevée mi juin 2014. Une nouvelle décision ministérielle est désormais attendue pour la poursuite des études sur la « Priorité 2 » puisque SNCF Réseau vous a récemment remis le dossier ministériel correspondant.
La « Priorité 1 » doit intégrer l’ensemble de la section Est Var-Nice
Si la « Priorité 1 » retenue est financièrement ambitieuse mais réaliste (près de 7 Milliards d’Euro) puisqu’elle a permis au projet de LN-PCA de sortir de l’ornière dans laquelle vos prédécesseurs d’avant 2012 l’avait tenu, son périmètre reste malgré tout insuffisant pour notre Association mais aussi pour de nombreuses autres personnes dont de nombreux élus. Comme l’avait justement relevé le Président de la Commission Mobilité 21 M. Philippe DURON, Nice ainsi que Toulouse, sont les 2 dernières grandes métropoles à devoir légitimement être connectées au réseau à Grande Vitesse. Or, si la programmation actuellement retenue répond bien à cet impératif concernant Toulouse (Paris Toulouse en 4h10 dès 2017 et 3h05 en 2024), le cas de Nice est reporté à un horizon incertain entre 2040 et 2050 (Paris Nice en 5h30 jusqu’à cet horizon).
Pour notre Association, cela n’est pas raisonnable au regard du fort enclavement ferroviaire de la Côte d’Azur et s’il est compréhensible de devoir phaser la réalisation de la Ligne Nouvelle compte tenu des enjeux financiers, il est néanmoins nécessaire de retenir dès la « Priorité 1 » la section Est Var-Mougins apportant à la fois un gain d’une quarantaine de minutes et l’extension du réseau TER hautement cadencé dans les secteurs de Cannes-Mandelieu et Draguignan-Saint Raphaël en forte croissance démographique, sans bouleverser les équilibres financiers régionaux ou nationaux (entre 1 et 2 Milliards d’euros et l’économie d’un coûteux et complexe « raccordement temporaire de phasage » : en effet, en l’absence de projet entre Est Var et Mougins, les TGV circuleront sur la ligne existante du littoral, et ce « raccordement temporaire » est nécessaire pour basculer sans manoeuvre sur la ligne Cannes-Grasse et rejoindre à Mougins la LN de « Priorité 1 » Mougins-Nice).
Ce point de vue a été soutenu par de nombreux acteurs lors de la consultation et est porté par les collectivités azuréennes. Nous vous sollicitons, Monsieur le Secrétaire d’Etat, pour que dans la décision ministérielle que vous serez amené à prendre, les études de phase 2 intègrent la section Est Var-Mougins afin de l’inclure dans la DUP prévue pour 2017. Concrètement, il s’agit que ces études soient financées dans le cadre du prochain CPER dont les négociations se terminent, les collectivités ayant donné leur accord sous réserve d’une décision favorable de votre part.
Nous insistons sur le fait qu’en cette période où :
- le TGV reliera les 495 km à vol d’oiseau entre Paris et Bordeaux en 2h dès 2017,
- le Gouvernement a déclaré urgents les travaux de la LGV Poitiers Limoges pour que le TGV relie les 340 km entre Paris et Limoges en 2h en 2030,
- il n’est pas possible que Nice, cinquième ville de France, distante de seulement 158 km de sa capitale régionale Marseille, continue d’y être relié en 2h30, ce qui sera toujours le cas avec la « Priorité 1 » pour l’instant retenue.
Au-delà des temps de parcours, le manque d’attractivité du mode ferroviaire entre Marseille et Nice menace directement l’existence de dessertes ferroviaires à longue distance de la Côte d’Azur en dehors de Paris. C’est ainsi que la SNCF propose de rendre terminus Marseille les trains de la « transversale sud » reliant les Régions Aquitaine et PACA. De même, les recommandations de la Cour des Comptes dans son rapport sur le TGV priveraient la Côte d’Azur de dessertes ferroviaires nationales car l’incursion de TGV sur le réseau classique pendant 2h30 entre Marseille et Nice est objectivement trop longue. La réalisation de la Ligne Nouvelle entre Est Var et Mougins est donc une condition impérative pour maintenir la Côte d’Azur dans le réseau à Grande Vitesse.
Au demeurant, élargir le périmètre de la « Priorité 1 » à Est Var-Mougins, permettrait au projet d’atteindre sa rentabilité, entre 5% et 6%, sans doute la plus élevée des Grands Projets Ferroviaires, ce qui est essentiel quand il est question d’investir de toute façon 7 Milliards d’Euros dans les nœuds ferroviaires marseillais et azuréen. Cela permettrait par ailleurs de réduire les subventions publiques nécessaires à cette « Priorité 1 » attendue par les habitants de notre Région pour améliorer les déplacements avec les trains du quotidien. Nous attirons votre attention sur les études de RFF n’ayant pas retenu ce scénario de phasage : les hypothèses de desserte dont nous avons pris connaissance ne résisteraient pas à une contre expertise et résultent plus d’un jeu d’acteurs afin que les conclusions ne dérangent pas certains co-financeurs, ce dont nous aimerions nous entretenir plus avant avec vous.
L’option de passage par Toulon de la Priorité 2 doit être revue
Concernant l’autre section de la « Priorité 2 », Aubagne-Toulon, nous vous recommandons de revoir le projet lui-même. En effet, la consultation sur la ZPP a confirmé une forte opposition entre Aubagne et Toulon qui pourrait handicaper l’ensemble du projet et d’autre part sa justification est plus que fragile : les gains de temps sont faibles (une dizaine de minutes) pour un coût très élevé de 4 Milliards d’Euros et une très grande complexité technique puisqu’il s’agit pour arriver sur Toulon, de percer un tunnel ferroviaire bitube d’une dizaine de kilomètres en rampe maximale de environ 300m d’altitude jusqu’à sous le niveau de la mer, en milieu urbain dense, dans un environnement géologique à ce jour inconnu : les multiples déboires du tunnel routier de Toulon de seulement 3.2 km de longueur et pour lequel le percement des deux tubes aura nécessité 20 ans de travaux et un coût doublé par rapport au devis initial, devraient inciter à éviter de faire prendre un tel risque au nécessaire projet LN PCA.
Des gains de capacité et de temps pour accéder à Toulon pourraient être obtenus par des aménagements sur le réseau existant nettement moins onéreux et moins complexes. Compte tenu des contraintes financières actuelles, ces aménagements du réseau existant entre Aubagne et Toulon peuvent constituer une réponse rapidement programmable (par exemple dans les CPER à venir) aux besoins des habitants, sans devoir attendre la réalisation d’une nouvelle ligne. Ils sont en outre en accord avec les recommandations du rapport Bianco.
Si dans un premier temps ces préconisations permettraient de résoudre partiellement mais rapidement la saturation du réseau existant, il n’en demeure pas moins que l’importance de la desserte du Var et des Alpes Maritimes nécessitera dans un second temps de réaliser la LN-PCA entre Aubagne et Est Var mais pour cela, il faudra lever la contrainte de son passage par Toulon. Nous regrettons que SNCF Réseau n’ait pas été autorisé à éclaircir ce point lors de la consultation de « Priorité 2 » malgré des demandes répétées. Pourtant, nous savons que de nombreuses contributions concernant d’autres possibilités que le passage par Toulon, de moindre impact et coût, et notamment par Brignoles, ont été envoyées à SNCF Réseau qui en a fait état dans le bilan de la consultation. Mais à ce jour, ces préconisations n’ont pu être entendues compte tenu de la présence parmi les cofinanceurs des études du Maire de Toulon qui veut absolument que la ligne passe par Toulon Centre quelqu’en soit le prix et qui en même temps dit haut et fort qu’il ne veut rien payer. A noter que le coût de réalisation de la nouvelle ligne entre Aubagne et Est-Var par Brignoles est pratiquement identique au coût de réalisation de Aubagne à Toulon mais avec un gros avantage : la ligne nouvelle serait ainsi achevée dans son ensemble et il ne serait pas nécessaire ultérieurement de doubler la ligne existante entre Toulon et Est Var (dont le coût est sommairement estimé à 4 Milliards d’Euros et programmé au-delà de 2050, avec de nouveau la nécessité de percer un tunnel à l’est pour sortir de Toulon)
Monsieur le Secrétaire d’Etat, il nous semble être de votre responsabilité, dans la décision ministérielle que vous prendrez, de lever les blocages actuels, politiques et financiers, qui pèsent sur la réalisation complète du projet de LN-PCA, dans un horizon de temps raisonnable à un coût raisonnable. Seul l’Etat dispose de l’autorité suffisante pour un nouveau consensus (auquel la majorité des collectivités sont prêtes sans pouvoir le dire). A défaut, la région PACA resterait alors dramatiquement sous-équipée.
Nous vous sollicitons donc pour que les études de phase 2 de la priorité 2 demandées à SNCF Réseau intègrent les alternatives au passage par Toulon que le Médiateur Yves COUSQUER nommé en 2009 avait suggérées. Dans cette perspective, et pour des raisons de cohérence avec la « Priorité 1 » Marseille-Aubagne, l’approfondissement des études de la section entre Aubagne et le Col de l’Ange, puis le franchissement du Poljé de Cuges-Les-Pins resterait nécessaire.
Au demeurant, ne pas étudier ces alternatives fragiliserait fortement le projet en vue d’obtenir sa Déclaration d’Utilité Publique et serait par ailleurs contraire aux orientations du Gouvernement et du Président de la République quant à la modernisation des procédures de concertation sur les grands projets d’aménagements.
Créer un observatoire de la saturation et des trafics sur l’axe Marseille Nice
La justification principale d’une nouvelle infrastructure ferroviaire entre Marseille et Nice est la saturation de l’unique ligne existante résultant de trafics nombreux et hétérogènes. Il convient donc que ce constat soit partagé par le plus grand nombre, étayé par des études et prospectives régulièrement actualisées, permettant par ailleurs une programmation efficace et anticipée des investissements pour y faire face. La Commission Mobilité 21 avait recommandé dans son rapport la création d’observatoires de la saturation et des trafics en pareille situation. Ceux-ci ont été mis en place concernant les axes Paris Lyon (et le projet POCL), Bordeaux Espagne (et le projet GPSO), Montpellier et Perpignan (et le projet LNMP).
Nous vous demandons qu’un tel observatoire de la saturation et des trafics soit également créé sur l’axe Marseille Nice. Le dispositif de concertation de la LN PCA va en effet être remanié avec l’engagement des études de phase 2 et devrait permettre des discussions constructives sur les variantes de tracé pour parvenir à un tracé à soumettre à l’enquête publique avec des acteurs plus nombreux que jusqu’à présent et notamment avec les riverains. Les problématiques relatives à l’opportunité de la ligne nouvelle et sa programmation doivent donc pouvoir être discutées ailleurs sous peine d’être dans l’impossibilité d’évoquer les tracés. Cet observatoire pourrait aussi prendre en compte les autres projets d’investissements connexes au projet LN PCA sur la ligne existante. Il permettrait également de consolider la programmation de la LN PCA.
Alain PATOUILLARD
Président de l’Association TGV et Développement Var Nice Côte d’Azur